FONCTIONNAIRES ET RÉGIME GÉNÉRAL : PEUT ON COMPARER ?

dimanche 13 juin 2010
par  Snes S3

Dans la Fonction publique, les titulaires (les « fonctionnaires ») relèvent pour leurs retraites du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les agents non titulaires relèvent du régime général de la sécurité sociale et de l’IRCANTEC (régime complémentaire obligatoire). De plus, un grand nombre de fonctionnaires relèvent pour une partie de leur vie professionnelle d’autres régimes de retraite : c’est le cas de 75 % des fonctionnaires territoriaux et de 38% des fonctionnaires de l’État.

 L’approche « public / privé » ne recouvre donc pas une réalité aussi nette que certains veulent bien le dire !

3 points sont abordés dans cette note :

1. Comment et dans quels objectifs comparer ?

2. Omissions et contre vérités les plus fréquentes

3. Pourquoi un régime spécial pour les fonctionnaires ?

  1. Comment et dans quels objectifs comparer ?

  • Du point de vue de la FSU, ce qui peut être comparé ce sont les taux de remplacement effectifs. A cet égard, les situations sont assez proches : les uns et les autres voient leur situation considérablement dégradée par les réformes.
génération 1930 1938 1955
Année de liquidation 1990 1998 2015
Salarié non cadre secteur privé 84% 81,5% 66,5%
Cadre du privé 84% 55% 42,5%
Fonctionnaire 77% 81% 61%*
Fonctionnaire 20% de primes 77% 67,5% 52%*

Sources : DRESS, CGT et IRES

* en 2015, la progressivité de la réforme de 2003 ne sera pas complètement achevé. Ces taux seront donc encore inférieurs en 2020.

  • Dans quel but comparer ?

Du point de vue de la FSU, l’intérêt est de vérifier que des objectifs communs sont atteints. Et quand une disposition est plus favorable dans un cas, il faut débattre de son extension aux autres régimes.

Fonctionnaires et régime général : peut on comparer ?

Du point de vue du gouvernement, c’est pour tirer toutes les situations vers le bas. Dans ce contexte, beaucoup de contre vérités sont diffusées, souvent parce que seuls certains aspects sont mis en avant. La précaution d’Eric Woerth « Il faut regarder la situation globalement et non en prenant certains points isolément » [1] est loin d’être toujours respectée.

  2. Omissions et contre vérités les plus fréquentes

  • « Les pensions des fonctionnaires sont calculées sur 6 derniers mois et celles du régime général sur les 25 meilleures années ».

Vrai mais incomplet : ce calcul dans la Fonction publique se fait sans les primes. Celles-ci ne sont qu’en partie prises en compte par un régime mis en place en 2005 et qui fonctionne en capitalisation !
Ces références différentes sont liées à des carrières salariales différentes : en progression dans la Fonction publique, car les fonctionnaires partant de rémunérations basses ont droit à une carrièreen « cloche » dans le privé c’est-à-dire que les meilleurs salaires sont obtenus en cours de carrière et sont rarement les derniers.
Il faut aussi souligner que dans la Fonction publique, le traitement de référence perd de sa valeur par rapport aux prix. Eric Woerth en a fait un principe de sa politique salariale, donnant une plus grande place aux primes.
Pour le régime général, la FSU partage avec les confédérations syndicales la revendication d’un calcul sur les 10 meilleures années.

  • « Les fonctionnaires partent en retraite à 59,4 ans tandis que cet âge est de 61,5 ans pour les salariés du privé »

Faux, car il s’agit des âges de liquidation de la pension. Dans la Fonction publique, on travaille jusqu’à la retraite. Pour le régime général, il y a souvent des périodes de chômage ou d’inactivité juste avant la retraite. En moyenne, les salariés du secteur privé cessent leur activité à 58,8 ans.

  • « Les avantages familiaux sont plus avantageux dans la Fonction publique ».

C’est faux. Dans le code des pensions un enfant né avant 2004 apporte à la mère, sous certaines conditions, une année de bonification, aucune compensation des interruptions n’est prévue. Pour un enfant né à partir de 2004, c’est seulement l’interruption ou la réduction de l’activité qui est compensée. Pour celles qui poursuivent leur activité, ce sera seulement une décote réduite de 6 mois.

Pour le régime général, la durée d’assurance est majorée de 2 ans pour les enfants nés avant 2010 ou bien le congé parental est compensé. A partir de 2010, les 2 ans sont conservés mais une des deux années peut être attribuée au père, selon le choix des parents.

Ainsi au régime général, la majoration de durée d’assurance améliore les pensions des mères de 25% (2007). Dans la Fonction publique, la majoration du fait des bonifications pour enfant améliore les pensions de 6,1%.

  • « Pour valider un trimestre, il faut être en activité pendant 90 jours ».

C’est vrai pour le code des pensions.

Faux pour le régime général : une année est validée

o en un peu plus de 10 mois et demi, pour un salarié à mi-temps au SMIC ;

o en moins de 5 mois et demi pour un plein temps au SMIC ;

o en moins de 2 mois et demi pour un salarié recevant une rémunération mensuelle brute égale au plafond de la sécurité sociale (2 885€ en 2010).

La notion de « durée d’assurance » n’a pas le même sens dans les deux cas.

  • « Le taux de cotisation est plus élevé pour le privé que pour les fonctionnaires ».

C’est vrai : 10,65 % du salaire brut pour un salarié du régime général et 7,85% pour un fonctionnaire.

Mais pour les fonctionnaires de l’État, cette « cotisation » est fictive puisque les salaires sont financés par le budget de l’État et les « cotisations » alimentent le même budget pour financer les pensions.
Ce taux n’est utile que pour évaluer des cotisations rétroactives. Le relever viserait donc à réduire les traitements des fonctionnaires. Il s’agit donc d’un débat salarial. Sujet conflictuel, le point d’indice de la Fonction publique perdant de sa valeur par rapport aux prix (9% depuis 2000).

  • « Le minimum garanti de pension de la Fonction publique est de 1067 € tandis que le minimum contributif du régime général ne représente que 85% du SMIC net ».

Le gouvernement met en avant des situations fictives : les 1067€ supposent d’avoir 40 années de service dans la Fonction publique. Mais les bénéficiaires de ce minimum ont des services bien moins importants (30 ans en moyenne).

Pour la FSU, il serait juste d’assurer dans tous les régimes, après une carrière complète un minimum de pension équivalent au SMIC net.

  • « Le temps partiel est pénalisant dès le premier jour dans le code des pensions »

C’est vrai, tandis que pour le régime général un temps partiel sur une période limitée peut ne pas affecter la pension, par exemple s’il s’agit de périodes qui ne sont pas retenues pour le calcul du salaire moyen.

  • « La pension de réversion est moins favorable au régime général »

Oui, si l’on considère qu’il n’y a dans la fonction publique ni condition d’âge ni plafond de ressources. En revanche, le taux est de 50%, alors qu’il est de 60% pour le régime général. Et il faut aussi souligner que la réversion des régimes complémentaires n’est pas soumise à la condition de ressources.

Pour la FSU, la pension de réversion doit permettre au conjoint survivant de maintenir son niveau de vie. Cet objectif nécessiterait une amélioration de la réversion du régime général. Sinon, les assurances vie privées prennent le relais.

  3. Pourquoi un régime spécial pour les fonctionnaires ?

Le code des pensions a été créé par la loi du 9 juin 1853. Il existait bien avant la sécurité sociale. Il définit la pension comme «  une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires (…) en rémunération des services qu’ils ont accomplis jusqu’à la cessation régulière de leurs fonctions.

Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d’existence en rapport avec la dignité de sa fonction. » (Article L1)

Pour permettre aux fonctionnaires de se consacrer exclusivement aux missions d’intérêt général qu’ils remplissent, l’État assure à ses agents en activité et après leur activité une rémunération qui garantit la Fonction publique des risques de corruption. C’est essentiel pour les citoyens. Dans cette logique, les pensions des fonctionnaires sont inscrites au budget de l’État. Créer une caisse de retraite tournerait le dos à cette construction historique et politique. Elle s’inscrirait dans la RGPP (la révision générale des politiques publiques), qui vise à banaliser les missions d’intérêt général, jusqu’à les confier pour une partie d’entre elles à des opérateurs privés.

Pour les fonctionnaires des Fonctions publiques territoriale et hospitalière, la CNRACL (caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), créée en mai 1945, assure des pensions déterminées selon les mêmes règles que pour les fonctionnaires de l’État.

source FSU adaptée par Cédric article disponible ici et en pièce jointe.


[1chat du 30 avril 2010 pour « 20 minutes »


Documents joints

argumentaire FSU