ÉVALUATION NATIONALE DES CITÉS ÉDUCATIVES

jeudi 23 juin 2022
par  Snes S3 AT

 Le texte : 69 pages pour enfoncer les portes ouvertes

L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (service du ministère de l’Éducation nationale) vient de publier en mai 2022 un rapport intitulé : “Évaluation nationale des cités éducatives, premiers enseignements sur l’appropriation du programme en matière de continuité éducative, d’orientation, d’insertion et de place des familles”.
Il s’agit d’un rapport partiel, le rapport final étant attendu pour mai 2023, c’est-à-dire à la fin de la première période de contractualisation. De plus, il ne concerne que 15 cités éducatives volontaires pour y participer.
Ce rapport est en fait la synthèse de trois études, commandées - selon une pratique particulièrement contestable et déjà amplement dénoncée, mais qui tend à se généraliser - à trois cabinets de conseil qui ont étudié chacun un thème différent (place des familles, continuité éducative ou orientation-insertion) dans 5 cités éducatives :

  • Pluricité (« cabinet spécialiste de l’évaluation des politiques publiques, de l’accompagnement de projets et de la concertation citoyenne ») qui revendique une “expertise” dans tous les domaines ou presque : éducation-jeunesse, emploi formation et insertion, lutte contre l’exclusion, politique de la ville, logement, territoires durables, santé, économie sociale et solidaire, sport, Europe et international.
  • Phare (« agence d’étude, de recherche et de conseil spécialiste de l’évaluation »). Pour information, on ne recense pas moins de sept autres études réalisées par ce cabinet pour le ministère de l’Éducation nationale depuis 1917, sur des sujets aussi divers que “les grossesses adolescentes ou “la citoyenneté des jeunes ruraux”.
  • Jeudevi (“SARL qui produit de la recherche-développement en sciences humaines et sociales, notamment dans les domaines de l’enfance, de l’adolescence , de la jeunesse, de l’éducation et du travail social, du développement local et urbain”).

Du travail de ces trois cabinets (pour lequel le montant de la facture est inconnu), l’INJEP a tiré un fascicule indigeste de 69 pages, composé d’une collection assez complète d’éléments de langage tels que “perspectives bottom up”, de “benchmarks”, de “vademecum”, “de continuité diachronique”, de “continuité synchronique” et de “bonnes pratiques” qui semblent tout droit sortis d’un manuel de management.
Bien que l’abus de jargon et le manque de concision nuisent fortement à la clarté du propos, nous avons cru comprendre que :

  • Le dispositif a été globalement bien accueilli par l’ensemble des personnes concernées.
  • Les cités éducatives recyclent largement les partenariats déjà existants et ne mettent rien en place de vraiment nouveau. Les crédits alloués remplacent donc d’autres lignes budgétaires tout en pérennisant et en mettant en valeur ces partenariats.
  • La moitié des cités étudiées n’ont pas consommé la totalité des crédits alloués (qui ne peuvent pas être reportés à l’année suivante).
  • Les actions concernent le plus souvent les adolescents de 11 à 15 ans, ce qui tient au fait que les “chefs de file” des Cités éducatives sont des principaux ou des principales de collèges. En revanche, les actions en faveur des familles ou des jeunes de 15 à 25 ans et des jeunes déscolarisés sans diplômes restent rares.
  • Les actions ne sont pas toujours faciles à coordonner entre les différents partenaires : pas le même découpage territorial, pas le même rapport aux familles, pas le même calendrier (notamment les élections pour les municipalités…) ni le même point de vue. Il en résulte un manque de cohérence dans les actions qui passent ainsi à côté de la “philosophie” des cités éducatives, c’est-à-dire la volonté de faire travailler en synergie les différents partenaires de la fameuse “alliance éducative” (Éducation nationale, préfecture, municipalité) afin de lutter contre les inégalités, ce qui reste l’objectif affiché.

 Le point de vue du SNES-FSU

Le recours dispendieux à trois cabinets de conseil était-il vraiment nécessaire pour parvenir à un si maigre bilan ?
Le SNES-FSU continue à dénoncer la supercherie des cités éducatives, qui d’une part consiste à faire croire qu’un saupoudrage de moyens est une arme efficace de lutte contre les inégalités, et d’autre part contribue à dévaloriser le rôle de l’école en favorisant l’entrisme d’associations et d’entreprises dans l’Éducation nationale.
L’externalisation des missions de l’école à l’œuvre dans les cités éducatives constitue également un pas de plus vers la marchandisation de l’éducation.
Voir notre article.