Témoignage d’enseignants en REP+

vendredi 18 mars 2016
par  Secteur politique éducative

Témoignage recueilli par Antoine TARDY au cours du congrès académique du SNES-FSU Versailles.

Enseignants dans un collège classé REP + en banlieue parisienne, nous voici (largement) arrivés à mi-parcours de l’année 2015-2016. C’est l’occasion pour nous d’établir un bilan des réunions REP +. Elles sont hebdomadaires et durent entre une et deux heures selon les semaines dans la mesure où nous avons, en tant qu’enseignants en REP +, une heure et demie de service en moins. Il n’est en aucun cas précisé dans les textes officiels que nous devons occuper ladite heure et demie en assistant à ces réunions.

Premier constat : dans notre collège où les problèmes s’accumulent, la liberté du personnel enseignant d’assister (ou non) à ces réunions n’est pas respectée. En effet, parmi ceux et celles qui ne se sont pas présentés aux réunions hebdomadaires, certains ont été convoqués par notre direction qui leur a signifié qu’elle ne leur paierait pas « leurs trentièmes » en raison de cette ou de ces absence(s). De plus, en tout début d’année scolaire, nous avons dû lutter contre l’émargement mis en place par notre direction et les appels silencieux auxquels elle procédait lorsque nous étions réunis et assis. Il va de soi que l’attitude de la direction a instauré un climat de défiance dont nous peinons à sortir aujourd’hui.

Deuxième constat : ces réunions ne sont pas préparées. L’ordre du jour n’est pas clair, le rôle des intervenants (IA-IPR, notre direction, membres du réseau) n’est pas explicite ou assuré. Ajoutons que nous professeurs ne sommes en aucun cas consultés pour établir ces ordres du jour.

Troisième constat : alors même que ces réunions REP + (Réseau Education Prioritaire) sont censées nous permettre de travailler en réseau avec les professeurs des écoles du secteur, nous ne les rencontrons pour ainsi dire jamais et restons le plus souvent entre nous. Ces huis-clos hebdomadaires ne nous permettent pas de travailler sur les problèmes de fond. Ils permettent en revanche de mener d’interminables débats entre happy fews sur des sujets théoriques qui nous rappellent nos années passées en IUFM ou à l’ESPE (« l’évaluation » ; « l’autorité », « les rituels en classe »).

Quatrième et pénible constat : en matière de supports de travail, nous avons remarqué que les animateurs de ces réunions recourent davantage à EDUSCOL qu’à des documents sur lesquels ils auraient eux-mêmes travaillé. Le summum fut atteint lorsque l’on nous gratifia d’une vidéo estampillée ESSEC (Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales), deuxième école de commerce de notre pays, pour nous expliquer le principe du nouveau management. Quand certains d’entre nous ont demandé, en levant la main - comme les élèves que nous sommes au cours de ces réunions - quel rapport pouvait légitimement être établi entre management et gestion de classe, ils n’ont obtenu aucune réponse cohérente hormis les sourires gênés de nos intervenants.

Cinquième constat : nous ne pouvons pas nous exprimer librement au cours de ces réunions. Nous subissons les exposés interminables des intervenants, des séances de morale sur la « bienveillance » et nos lacunes en cette matière. Lorsque c’est à notre tour de nous exprimer, nous avons le sentiment qu’il faut faire attention à ce que nous disons. Certains d’entre nous ont d’ailleurs été rabroués assez sèchement en pleine réunion après avoir osé un terme, une formulation ou une idée jugés maladroits.

Bilan général : ces réunions représentent pour nous une perte de temps, une ou deux heure(s) d’ennui et une nouvelle occasion de nous sentir frustrés dans la mesure où nous n’y abordons ni les outils ni les moyens pour améliorer le quotidien au collège. Elles ne nous permettent pas non plus de renforcer nos liens avec les collègues de l’école élémentaire, ce que nous déplorons.


Documents joints

PDF - 23.2 kio