Jurys du bac : premiers retours très inquiétants
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Vendredi 26 juin, les jurys d’harmonisation pour la session 2020 ont commencé leur travail… qui s’est achevé très vite dans l’écrasante majorité des cas. La cause : les conditions d’évaluations à partir du contrôle continu faussent tout travail possible d’harmonisation.
Depuis plusieurs semaines, le SNES Versailles alerte la Profession et met en garde l’Administration quant aux conditions d’attribution du bac et des mentions dans notre académie : le flou des consignes données, la diffusion de recommandations contraires aux textes ministériels, le refus explicite et reconfirmé du rectorat de Versailles de donner un cadrage sous forme écrite, les confusions des réponses du SIEC (voir nos articles au liens suivants : lettre ouverte à Madame la rectrice, CR audience SIEC) … tout ceci ne pouvait qu’entrainer de graves dysfonctionnements, notamment dans la remontée des moyennes par Lotanet et dans la finalisation du Livret scolaire pour chaque élève. Les résultats très inquiétants quant au contenu du baccalauréat 2020 ont été d’emblée aperçus lors de la réunion des jurys d’harmonisation ouverts vendredi 26 juin.
Un contexte d’harmonisation inquiétant
Le SNES-FSU a eu de nombreux retours catégoriques : ces jurys ont ressemblé à une mascarade pour les collègues convoqués. Il semble que l’Administration prenne avec une totale désinvolture le travail de ces jurys : ainsi des collègues stagiaires (qui n’ont pas de classe à examen) ont été convoqués, tout comme d’autres qui n’enseignent pas en terminale cette année… Plus grave encore, et ce qui en dit long sur le souci d’équité de l’Administration, des membres des jurys enseignaient parfois dans les lycées qu’ils allaient harmoniser, parfois avec les mêmes élèves.
Voir notre article sur les convocations problématiques
Les collègues présents ont été aussi choqués par l’absence générale des conditions d’anonymats : il arrivait que les noms des établissements et des élèves (voire même des coordonnées) apparaissent sur les documents de travail fournis aux membres du jury. Les documents de travail fournis par le SIEC ont été aussi l’objet du mécontentement global : les collègues devaient travailler avec des fichiers Excel dont les vice-présidents n’avaient pris connaissance que tard la veille et qu’ils maitrisaient mal. Vidéoprojetés dans des conditions médiocres, souvent à la limite de la visibilité, les éléments statistiques synthétisant les résultats du bac des trois dernières des établissements étaient pourtant le principal outil pour harmoniser les notes et les mentions des élèves.
La suspicion de « préharmonisation sauvage »
Or, l’absence de directive claire s’est fait très vite sentir : il n’y avait pas de méthode claire à suivre entrainant le danger d’un « bricolage local ». Pour des membres du jury, fermement attachés au principe d’équité de traitement des candidats à un examen national, la chose est apparue d’autant plus choquante que les notes remontées par une majorité d’établissements sont apparues comme extrêmement problématiques. Malgré le discours lénifiant de certains IA-IPR assénant que « oui, il y a une augmentation mais cela reste raisonnable », les moyennes remontées sont globalement bien aussi dessus des attentes et des résultats du baccalauréat ces trois dernières années.
Les très nombreux retours montrent dans une écrasante majorité des cas des moyennes bien au-dessus des résultats des années antérieures. On a pointé parfois des établissement passant de 61 % de réussite à 90 % avec les notes remontées par les lycées. Cela se concrétise souvent par des poussées inattendues et inexplicables dans certaines disciplines comme en mathématiques où un établissement affiche une augmentation de 8 points !
Cette poussé soudaine incite de nombreux collègues à y déceler une forme de « préharmonisation sauvage » effectuée dans de nombreux établissements… au risque de dévaloriser totalement le baccalauréat, mais aussi de pénaliser certains élèves dont les lycées, eux, se sont tenus aux consignes ministérielles. En effet, comment « harmoniser » leurs résultats sans directive claire, à côté d’établissements dont les résultats semblent clairement faussés ? Comme rétablir de la justice dans ce contexte vicié ?
Cette politique locale très grave a été permise par la latitude laissée par le rectorat de Versailles aux directions des établissements voire par des suggestions totalement inacceptables faites par certains membres des corps d’inspection (note de mérite ou d’assiduité...)
Pour finir, comme les jurys ne pouvaient qu’harmoniser à la hausse et non à la baisse et que les résultats projetés étaient tous extrêmement bons, leur travail s’est arrêté généralement au bout d’une demi-heure, alors que trois journées devaient y être consacrées. Dans les quelques cas où un travail d’harmonisation a pu être fait, les collègues n’ont même pas eu une vraie visibilité sur les résultats finaux de l’établissement visé.
« Mascarade » est le mot prononcé par bien des membres des jurys... Certains jurys, comme celui de Saint Witz pour la filière ES ou celui de Franconville pour la filière L ont d’ailleurs décidé voter une motion de protestation.
Une condamnation en acte des principes du contrôle continu
Cette première journée de tenue des jurys d’harmonisation dévoile en fait tous les dangers du recours au contrôle continu pour l’attribution du baccalauréat : la délégation au « local » et aux établissements accroit l’opacité et l’inégalité entre les établissements et les élèves. L’examen perd tout contenu national et le sentiment d’injustice apparait nécessairement. Dans cette situation, le ministère de l’Éducation nationale mais aussi le rectorat de Versailles, malgré les avertissements lancés par le SNES, portent une lourde responsabilité qui risque d’obérer gravement la valeur du bac 2020.