[91] Lycée Camille Claudel : retour sur une mobilisation inédite

mercredi 16 février 2022
par  Snes S2 Essonne

Lors du CTSD du 21 janvier 2022 en charge de l’examen des DGH des établissements essonniens, la situation du lycée Camille Claudel est apparue sans conteste comme la plus scandaleuse et la plus emblématique de la politique du département.

Ce lycée de Palaiseau, qui connaît une baisse d’effectifs depuis plusieurs années, subit désormais les assauts d’un monstre difficile à combattre tant il prend de place et d’importance sur ce si petit territoire : le LIPPS (Lycée International de Palaiseau Paris Saclay). Ce sigle n’est pas sans portée symbolique : la modeste sculptrice française ne fera bientôt plus le poids face au futur cluster Paris Saclay à la renommée internationale. On comprend bien l’enjeu d’un tel nom, ô combien révélateur de l’ambition d’excellence et de l’esprit élitiste que ce nouvel établissement incarne depuis son ouverture en septembre 2021. Sorti de terre en un temps record, au moment où la pression démographique sur le bassin de Massy ne justifiait pas une telle création, ce lycée a dû construire ses effectifs sur des suppressions de divisions dans les lycées voisins. Camille Claudel a donc perdu une classe de 2nde à la rentrée et en perdra une autre à la rentrée prochaine. C’est un peu David contre Goliath, et comme dans la légende le petit cherche à vaincre le géant par des moyens plus subtils, en s’illustrant par son courage, sa ténacité et son intelligence.
Une première bataille a eu lieu lors d’une audience de l’établissement avec la DSDEN en visioconférence, le mardi 25 janvier. Le contexte sanitaire empêchant la tenue de cette réunion en présentiel, les collègues ont brillé par leur panache en remplissant l’amphi de parents, élèves et professeurs qui apparaissaient en fond d’écran et pouvaient assister à l’entretien qui opposait la délégation au Dasen adjoint. Résultat : 10 HSA supplémentaires ont été données à l’établissement pour soutenir les projets mis en péril par leur DGH étriquée. Une maigre compensation quand on sait que trois postes étaient menacés ! À Claudel, on a la tête dure et on ne manque pas de ressources : alors, après avoir prouvé qu’ils savaient se mettre à poil devant la mairie de Palaiseau, les enseignants – soutenus par les parents et les élèves – ont voulu frapper plus fort en annonçant leur occupation du lycée dans la nuit du 11 au 12 février. De quoi mettre un peu plus la pression sur la DSDEN qui décide de transformer 15 HSA en HP. Une deuxième bataille gagnée qui donne de quoi sauver le poste d’espagnol !
C’est dans ce contexte que la FSU a sollicité à son tour une audience à la DSDEN pour échanger sur l’ouverture du LIPPS et son incidence sur le département. Un sujet éminemment politique qui dépasse largement la seule situation du lycée Camille Claudel. Une délégation a été reçue par le Dasen et son adjoint en charge du bassin de Massy le jeudi 10 février à 17h30. Le débat a été long et nourri et a permis de dégager toutes les grandes lignes de ce projet si polémique. Si nos autorités nous concèdent le caractère prématuré de l’apparition de cet établissement dans le paysage essonnien, elles insistent surtout sur la nécessité de doter ce territoire d’un lycée international, qui n’existait pas encore sur le département et qui bénéficiera dans un avenir très proche de l’attractivité du plateau de Saclay. Le véritable enjeu reste donc la mixité sociale, qui ne pourra se construire sans un internat ouvert aux filières pré bac et des transports cohérents. On est encore bien loin du compte… Et en attendant, c’est aux lycées alentours que ce géant imposant fait ombrage, en attirant à lui des élèves, en proposant un modèle éducatif inédit, en entérinant une politique honteuse. Si à Claudel on ferme des classes, on vole aussi un demi-poste d’infirmière au lycée Parc de Vilgénis à Massy, et partout ailleurs – plus au Sud – on accuse le coup de la crise sanitaire et on court après les heures de soutien pour relever des jeunes de plus en plus éloignés du système scolaire. Une belle rupture d’égalité que le Dasen et la présidente de la Région refusent de reconnaître !
Quelle ne fut pas alors notre surprise quand la DSDEN nous a annoncé, au lendemain de cette audience, quelques heures avant le début de la fameuse nuit, l’attribution au lycée Claudel d’une classe de 1ère générale ! Un geste qui a beaucoup fait parler lors du débat qui s’est tenu au réfectoire en début de soirée ! Cette classe supplémentaire ne serait financée qu’à 18h et leur permettrait en réalité la création du seul tronc commun (sans les spécialités, pourtant très coûteuses) ! Cette troisième bataille n’est donc pas encore achevée et doit se poursuivre dans les prochains jours. Les collègues n’ont pas dit leur dernier mot et seront reçus en audience le jeudi 17 février. Leur longue nuit de mobilisation a porté conseil et leur a donné d’autres ailes, plus médiatiques et plus politiques, pour faire valoir leur droit d’exister autant que les autres.
Le LIPPS doit retenir, dans les prochaines années, toute notre attention ! Loin d’avoir atteint sa capacité d’accueil maximale, il ouvrira bientôt une filière technologique qui pourrait, sous couvert de mixité sociale, mettre en péril les effectifs et les postes du lycée L’Essouriau aux Ulis. Restons donc vigilants, ne baissons pas la garde, et mobilisons-nous pour offrir un accueil et des enseignements de qualité dans tous les collèges et les lycées du département.