Bilan de la rentrée 2020 dans les lycées - À quand le bout du tunnel ?

samedi 10 octobre 2020
par  Secteur politique éducative

Les lycées ont été particulièrement exposés depuis plusieurs années à l’autoritarisme d’un Ministère qui semble ne jamais apprendre de ses erreurs. Alors que la réforme du bac voulue par Jean-Michel Blanquer entre dans sa dernière ligne droite et que la crise sanitaire complexifie encore tout le fonctionnement des établissements scolaires, la rentrée dans les lycées de l’académie de Versailles dévoile un ensemble de dysfonctionnements et de problèmes.

La rentrée dans les lycées s’est évidemment faite dans le cadre de la crise sanitaire. Les établissements ont tenté de maintenir certaines règles en distribuant masques et gel hydroalcoolique aux professeurs et aux élèves. Si les masques ont été fournis par le rectorat de Versailles et par la région Ile-de-France, les besoins sont importants et il a fallu recourir aux fonds propres des établissements dans 85 % des cas. D’emblée, le manque de moyens humains dont souffrent les établissements scolaires en général et les lycées en particulier a été patent : pour garantir le respect du sens de la circulation, les désinfections régulières et les rythmes de passage à la cantine, il faut du personnel à la vie scolaire ou parmi les agents. Ainsi les normes sanitaires sont loin d’être parfaitement respectées, malgré les efforts évidents des personnels et des élèves.

Dès le mois d’août, le SNES-FSU Versailles a exigé la gratuité des masques pour les élèves. Il a revendiqué des moyens humains supplémentaires indispensables pour appliquer les mesures rendues nécessaires par la crise sanitaire. Le SNES-FSU Versailles demande que soient recreditées aux budgets des établissements les dépenses effectuées sur fonds propres pour couvrir les besoins dus à la crise sanitaire.

 Les effets délétères de la réforme du lycée jouent toujours leur rôle

À la crise sanitaire s’ajoutent les effets d’une réforme que le Ministère se refuse d’amender, malgré son caractère inégalitaire, confus et anxiogène pour les lycées. Les quelques ajustements, notamment sur les anciennes E3C, n’ont fait qu’accentuer les tendances déjà entrevues l’an dernier.

Ce caractère confus voire opaque de la réforme a été de nouveau constaté par les collègues à la rentrée : dans la majorité des lycées, la direction n’a pu présenter un calendrier clair. Dans beaucoup d’établissements on ne sait toujours ni quand ni comment seront organisées des épreuves blanches pour les spécialités en terminale, sans parler de la préparation du Grand oral (ce dernier n’a été présenté que dans un tiers des établissements et pas toujours de manière satisfaisante, loin de là). La planche de salut, pour beaucoup de chefs d’établissement, semble se réduire à une inscription à un stage du PAF !

Le SNES-FSU demande un retour à un Baccalauréat, avec des épreuves nationales et terminales.

L’organisation des classes et des emplois du temps est exposée aux conséquences d’une réforme qui entre dans sa deuxième phase et qui bouscule toujours un peu plus les fonctionnements en vigueur en imposant des contraintes de plus en plus intenables. D’abord car la croissance des effectifs globaux s’est accompagnée d’une croissance du nombre d’élèves par classe. Dans l’écrasante majorité des cas remontés au SNES (93 %), cette croissance a été constatée : les effectifs de 35 élèves en seconde deviennent la norme dans l’académie et le seuil des effectifs pléthoriques (plus de 35 élèves) est régulièrement atteint en première. Triste ironie : on demande aux établissements d’imposer la distanciation sociale et d’éviter les contacts… en « entassant » les élèves dans des salles de plus en plus occupées. Le problème de la distanciation effective n’est d’ailleurs pas résolu puisque de nombreux collègues dans les établissements pointent le non-respect du sens de la circulation, un port du masque négligé par certains élèves, etc.

Par ailleurs, la rigidité des règles voulues par le Ministère complique l’organisation des emplois du temps des élèves et des salles. En refusant toute idée de classe profilée selon les triplettes ou les duos de spécialités choisies, en imposant la dispersion des élèves et des professeurs sans souci de cohérence, le Ministre veut l’extinction du groupe classe. En première et en terminale, avoir 20 a 25 professeurs par classe devient la norme. On connaît déjà les problèmes sous-jacents à cette situation : extrême difficulté à suivre les élèves notamment pour le professeur principal, perte de repères pour les élèves, etc.
On ne peut que constater encore une fois l’incohérence de la politique menée par le Ministère : alors que le protocole sanitaire demande d’éviter le brassage des élèves, le Ministère impose de mixer des élèves venant parfois de plus de 15 classes dans les groupes de spécialité.

 De lourdes contraintes de fonctionnement

Une des autres conséquences est la difficulté à faire des emplois du temps. Ces derniers ne sont considérés comme franchement satisfaisants que dans moins de 50% des cas et les collègues sont nombreux à mentionner des journées souvent très lourdes, de nombreuses heures de trou, etc. Les collègues ont de plus souvent constaté qu’on trouve une grande inégalité entre les disciplines, les disciplines de langues étant souvent parmi les plus mal loties. Ce n’est pas un hasard : ce sont en effet ces disciplines où les contraintes d’alignement sont les plus importantes et où la souplesse manque pour tous les ajustements. Les établissements qui accueillent une spécialité dont ils ont l’exclusivité sur un bassin, à l’instar de la spécialité SI à Léonard de Vinci à Saint-Germain, subissent de facto des contraintes en termes d’emploi du temps, lesquelles rejaillissent sur les autres établissements qui envoient des élèves suivre une spécialité qu’ils ne proposent pas.

Les situations se sont donc très nettement détériorées et ont imposé une augmentation des amplitudes horaires (mercredi après-midi, samedi matin, fermeture plus tardive) qui atteint à un moment ses limites.
Cela atteint parfois un degré ubuesque : ainsi au lycée Évariste Galois de Sartrouville, où aucun emploi du temps fonctionnel n’a été distribué au début de l’année. Les collègues ont alors décidé de se mettre en grève.


L’année s’annonce éprouvante et le flou entretenu par un Ministère qui ne fait souvent qu’improviser et change trop souvent ses consignes n’a pas lieu de rassurer les collègues en lycée. Non, décidément, monsieur le Ministre, l’année scolaire ne sera pas « la plus normale possible » !

Le SNES-FSU continue avec la Profession de mener la lutte contre cette réforme du lycée, en y opposant son projet ambitieux de démocratisation véritable de ces établissements.