Bilan de la crise Covid-19 - Notre école est-elle vraiment inclusive ?

vendredi 19 juin 2020
par  Snes S3 MC

La scolarisation des élèves à Besoins Éducatifs Particuliers dans le second degré fait intervenir de nombreux personnels, spécifiques ou non (AESH, enseignants spécialisés, enseignants, CPE, psy-EN, infirmières scolaires), et pose au quotidien de nombreuses questions : recrutement, statuts, formation, moyens, conditions d’exercice. La fermeture administrative des établissements scolaires, le confinement, le déconfinement et la reprise ont accentué toutes ces questions transversales et ont interrogé, plus que jamais, la capacité du Ministère à faire de notre école un modèle véritablement égalitaire et inclusif.

La crise sanitaire a creusé en profondeur des inégalités scolaires : dans ce contexte, les élèves en situation de handicap ont particulièrement souffert de l’enseignement à distance et n’ont pu bénéficier des adaptations, des aménagements et de l’accompagnement auxquels ils ont droit, au quotidien, en présentiel. Si les enseignants non spécialisés n’étaient déjà pas formés à accueillir des élèves en situation de handicap dans leurs classes, ils l’étaient encore moins à travailler avec eux à distance. Les moyens techniques mis à disposition des équipes par l’Institution se sont très vite révélés insuffisants pour couvrir les besoins générés par la crise. Enseignants spécialisés, coordonnateurs d’ULIS, AESH, psy-EN, chacun s’est mobilisé pour soutenir au mieux, avec son matériel personnel, des élèves au parcours scolaire fragile et pour lesquels, dans ces circonstances, un suivi individualisé est indispensable.
=> Votre expérience nous intéresse  ! Si vous ne l’avez pas encore fait, répondez à notre enquête sur vos conditions de travail en situation de confinement.

 L’école inclusive : ce que la crise nous révèle

En matière d’inclusion, l’isolement des personnels n’est plus à démontrer. La crise sanitaire a défait des liens d’équipe, pourtant essentiels à l’encadrement des élèves. Le confinement et le recours systématique au numérique ont prouvé que rien ne peut remplacer un cours en présentiel : c’est dans l’échange entre élèves et entre personnels que l’école inclusive est possible, parce que cet idéal vers lequel nous tendons se construit d’abord dans le collectif. Les écrits du Ministère sur le travail à distance des AESH et des coordonnateurs d’ULIS ont été, de ce point de vue, particulièrement insignifiants. Le Vademecum sur la « continuité pédagogique »mentionne très rapidement que ce travail doit se faire à partir de supports adaptés, par messagerie électronique et/ou par téléphone, sans plus d’indications. L’Institution ignore donc elle-même ce qu’impliquent les métiers de l’école inclusive : elle ignore que bien accompagner un élève, c’est d’abord s’inscrire avec lui et avec l’enseignant dans une situation d’apprentissage ; elle ignore que bien accompagner un élève, c’est aussi observer les réactions et les postures des autres élèves face à la même situation d’apprentissage. Le confinement a empêché cette collaboration entre AESH et enseignants, entre AESH et coordonnateur d’ULIS, entre enseignants et coordonnateur ; il a ruiné aussi ce travail fin d’observation au sein de la classe ; c’est pourtant sur cette collaboration et cette observation que repose l’école inclusive. Le silence du Ministère sur ces questions, son empressement à dire au contraire que « tout est prêt », son incapacité à compenser ce que le présentiel fait disparaître de si précieux et de si indispensable, tout dans sa communication montre que l’école inclusive n’est qu’une vitrine politique, un simple vernis qu’on peut facilement dissoudre et effacer à la première crise.

Pour le SNES-FSU, l’école inclusive n’est pourtant pas un label artificiel qu’on appose au dernier moment pour certifier le produit que nous vendons. Notre école n’est pas à vendre. L’école inclusive soulève des problématiques qui doivent irriguer l’ensemble de notre modèle éducatif, pour qu’il devienne plus juste et plus émancipateur pour tous les élèves. Il faut savoir créer les conditions d’une école inclusive, même et surtout par temps de crise. En cela, la crise sanitaire n’est qu’un révélateur de la crise que connaît déjà l’Éducation depuis bien longtemps. En témoignent la gestion très maladroite et l’impréparation de la réouverture des établissements. Le protocole sanitaire national, le protocole spécifique aux AESH, la fiche sur le retour prioritaire des élèves en situation de handicap sont très éloquents : ils mettent en lumière l’incompétence du Ministère sur ces questions et révèlent en creux une idéologie délétère qu’il faut combattre.

 Crise sanitaire et école inclusive : quand deux priorités se rencontrent…

Voici notre analyse :
Le protocole sanitaire national (en pièce jointe) n’a presque rien dit de l’accueil des élèves en situation de handicap, des missions des AESH, des risques auxquels ces élèves et ces personnels étaient exposés. Ce silence en dit long sur la confusion de notre Ministère et sur son incapacité à gérer deux priorités à la fois. Car l’enjeu est bien là : il faut que l’école qui rouvre ses portes soit inclusive, tout en préservant la santé de tous. L’institution, en présentant un tel protocole, échoue donc à relever ce défi. Sans doute parce qu’il existait alors une troisième priorité, bien plus importante que les deux autres aux yeux de notre Président : la relance de l’économie. Ne voyons donc pas dans cet acte manqué un mépris de l’école inclusive : c’est un mépris de l’école !

C’est donc tous ensemble, personnels spécialisés et non spécialisés, titulaires et contractuels, que nous devons lutter contre ce projet politique dangereux. Ce mépris est décorrélé de la crise, il existe depuis bien longtemps dans les esprits et n’est qu’un des instruments dédiés à la casse progressive et méthodique du service public d’éducation.

Le protocole spécifique aux personnels AESH est, quant à lui, bien plus insultant à l’égard des acteurs de l’école inclusive. Les personnels AESH ont connu un véritable dilemme professionnel, leurs missions d’accompagnement pouvant se révéler incompatibles avec les mesures préconisées par le protocole sanitaire ministériel. Pour le SNES-FSU Versailles, une évaluation fine des risques auxquels ces personnels sont exposés était indispensable et devait être la condition préalable à toute reprise. C’est cette évaluation et des réponses précises et rassurantes que ce protocole aurait dû construire et présenter. Il n’en est rien. Pourquoi alors construire un protocole spécifique si c’est pour n’apporter aucune spécificité ? Le protocole s’ouvre sur un paragraphe désignant les AESH comme « des membres à part entière de la communauté éducative ». Pourquoi le préciser, si c’est pour dire ensuite que le port du masque est « obligatoire » pour les personnels quand il est seulement « recommandé » pour les AESH ? Si l’AESH était bien aux yeux de l’institution « un membre à part entière de la communauté éducative », pourquoi alors ne pas avoir inclus dans le protocole d’origine une réflexion spécifique sur l’accueil des élèves en situation de handicap et sur les missions des AESH ? Le Ministère se perd lui-même dans ses erreurs de communication. Le SNES-FSU Versailles voit donc plutôt dans ce protocole une volonté plus ou moins affichée d’isoler les AESH en détournant leurs missions au profit de la crise sanitaire.
L’AESH n’est présentée comme véritablement en lien avec personne. On ne dit rien sur le travail d’équipe avec l’enseignant, on ne dit rien non plus sur l’aide que peuvent apporter l’ASH, les IEN, les CPC, dans la reprise des AESH. Le seul lien qui se voit développé et expliqué, c’est celui qui unit l’AESH à l’élève. Cette conception des missions de l’AESH est totalement déconnectée du terrain. C’est la situation d’apprentissage qui justifie et légitime ce lien. Le protocole ne propose d’ailleurs aucune clé pédagogique, l’AESH étant maintenant « au service de la protection sanitaire ». Plus que jamais, le SNES-FSU Versailles est aux côtés des AESH pour défendre leur place au sein du collectif de travail.

Si les élèves en situation de handicap étaient prioritaires dans cette reprise, rien n’est pourtant dit, dans le guide thématique, sur l’évaluation des difficultés éprouvées pendant le confinement. Et c’est comme si le seul apprentissage auxquels ces élèves auraient maintenant droit était l’apprentissage des gestes barrières ! Le protocole sanitaire national constitue en soi, en effet, une tâche d’apprentissage complexe, mais incompatible avec la réalité du terrain si nous voulons maintenir pour ces élèves le lien avec les autres apprentissages. Les acteurs de l’école inclusive le savent bien : c’est en multipliant les objectifs d’apprentissage qu’on construit des obstacles à l’accessibilité. Quel est donc l’objectif prioritaire ? L’apprentissage des gestes barrières ou bien les apprentissages scolaires ? Le retour des élèves en situation de handicap et donc des AESH, tel qu’il est pensé par le Ministère, est un mensonge parce qu’il ne permettra en aucun cas de résorber les inégalités scolaires creusées pendant le confinement : c’est une vitrine politique, qui n’a aucun objectif pédagogique. Si la priorité doit rester sanitaire, l’école du déconfinement n’est donc pas une école inclusive, précisément parce qu’elle ne remet pas les élèves en situation de handicap dans les apprentissages scolaires. Les missions des AESH se voient donc instrumentalisées au service de la crise et vidées de leur sens. Plus que jamais, le SNES-FSU Versailles est aux côtés des AESH pour défendre leur métier et leur professionnalisation : c’est en portant ces revendications que nous pourrons lutter plus efficacement pour une reconnaissance de leur statut et une revalorisation de leur rémunération.

 Personnels AESH : le SNES-FSU est à vos côtés.

Le protocole mentionne enfin la possibilité de modifier les contrats des AESH. Ces modifications, déjà prévues dans la circulaire de juin 2019 relative au cadre de gestion des AESH, pourraient intervenir pour pallier d’une part les absences d’AESH ne pouvant pas revenir sur le terrain, d’autre part les absences des élèves accompagnés restés chez eux. C’était précisément l’un des objectifs du PIAL, répondre à l’évolution des besoins, mais des besoins de qui ? Certainement pas ceux des élèves, qui doivent garder leurs repères. Certainement pas ceux des AESH, qui ne sont pas des pions qu’on déplace sur une carte. Pour le SNES-FSU Versailles, cette récupération de la crise doit être dénoncée, parce qu’elle est semblable à ce qui se passe aussi pour les autres personnels (redéfinition du métier d’enseignant, menaces de disparition des psy-EN), et s’inscrit dans une véritable logique de casse du service public d’éducation. Les AESH, comme les autres personnels d’enseignement et d’éducation, n’échappent pas à cette logique et sont broyés par le système que nos ministères successifs ont mis en place insidieusement depuis plusieurs années.

=> Si vous rencontrez une difficulté ou souhaitez nous contacter, n’hésitez pas à nous écrire sur l’adresse du SNES-FSU Versailles entièrement dédiée aux AESH : aesh@versailles.snes.edu.

Le SNES-FSU Versailles défend l’école inclusive parce qu’il défend l’école. Cette école doit être égalitaire et accessible à tous les élèves, elle doit être aussi respectueuse de tous les personnels. La reprise envisagée par le Ministère ne devait pas échapper à ces grands principes. Chaque agent, quelle que soit sa fonction, devait pouvoir évaluer avant la reprise les risques auxquels il était exposé, pour que soient prises en compte dans le collectif de travail toutes les situations individuelles spécifiques.

Dans cette perspective, le SNES-FSU Versailles invite tous les acteurs de l’école inclusive
(AESH, coordonateurs d’ULIS, psy-EN, infirmières) à saisir le secrétaire du CHSCT de leur département, sur ces questions et sur toutes les questions relatives à leurs conditions de travail, pour pouvoir obtenir pour chaque risque évalué, pour chaque dégradation constatée, une réponse précise et concrète.


Documents joints

Protocole AESH 11 mai